La guerre d’Espagne réclame alors beaucoup de soldats et Jean-Marie est enrôlé en 1809. Il a 23 ans (14). Les étudiants ecclésiastiques étaient exemptés du service militaire, mais il est possible que les vicaires généraux aient pensé que, vu la grande ignorance de Jean-Marie Vianney, le présenter comme étudiant aurait pu sembler frauduleux (15).

Jean-Marie déserte. Il existe de cette désertion deux versions, dont chacune a pour elle plusieurs témoins (16). Selon l’une, Jean-Marie Vianney, qui avait été malade et était encore convalescent, éprouva des difficultés à rejoindre son régiment, s’égara et, pour ne pas être puni comme déserteur, accepta la proposition d’un paysan de le cacher sous un faux nom, comme instituteur dans son village. Selon l’autre version, la désertion fut délibérée. Même les témoins qui présentent la désertion comme quasi involontaire font état de la répugnance que la guerre d’Espagne inspirait au jeune Vianney, qui, comme la plupart des catholiques, croyait cette guerre contraire à la volonté de Dieu (17). Le pape Pie VII avait d’ailleurs excommunié Napoléon.
Il s’installe sous un faux nom (Jérôme Vincent) aux Noës, village d’un peu plus de 500 habitants, et y donne des leçons aux enfants dans diverses familles. Le maire et le curé sont au courant de sa situation irrégulière et, d’ailleurs, ne craignent rien des habitants du village, qui, comme la plus grande partie de la population paysanne de la région, sont disposés à protéger les réfractaires (18).
Quand, le 25 mars 1810, Napoléon signe un décret amnistiant les insoumis à condition qu’ils se mettent à la disposition des autorités départementales, Jean-Marie Vianney, par une décision dont le caractère délibéré ne fait cette fois aucun doute, décide de rester déserteur(19).
Les autorités impériales, qui refusent de croire que le père de Jean-Marie ignore la cachette de son fils, lui infligent de lourdes amendes pour faire pression sur lui et, finalement, le jeune frère de Jean-Marie accepte de servir à sa place contre une indemnité payée par le père (20). Il semble que le père ait tenu grief à Jean-Marie de sa conduite en cette affaire (21).

Références :

14 http://www.arsnet.org/Sa-vie.html [archive]

15 Fourrey 2009, p. 42.

16 Fourrey 2009, p. 45.

17 Fourrey 2009, p. 47.

18 Fourrey 2009, p. 47-49.

19 Fourrey 2009, p. 52.

20 Fourrey 2009, p. 53.

21 Fourrey 2009, p. 56 et 116-117