UN LIEU AUTHENTIQUE

Rien n’a changé ici depuis plus de deux cents ans. Un lieu simple à l’image d’une famille de croyants qui va traverser la tourmente révolutionnaire appuyée sur sa foi. Un lieu simple à l’image de Jean-Marie Vianney et de son humilité.

DIEU Y FAIT PARTIE DE LA VIE QUOTIDIENNE

Dieu est ici présent, simplement, au cœur du quotidien. Il fait partie de la vie de la famille.

Le petit Jean-Marie, âgé de quinze mois refusa un jour de manger, raconte sa sœur Marguerite, jusqu’à ce que sa mère réalise qu’elle avait oublié de lui faire faire le signe de croix habituel.

Très tôt, Marie Vianney a appris à ses enfants à sanctifier chaque heure qui commence par une courte prière dès que l’horloge sonne, cette grande horloge qui est encore là, dans l’angle de la salle commune.

« Mon frère Jean Marie ne se faisait pas prier pour dire avant les repas le benedicite et après le repas les grâces. Quand l’heure sonnait, il ne manquait pas de dire la prière que notre mère nous avait apprise: Dieu soit béni! Courage, mon âme: le temps se passe et l’éternité s’avance; vivons comme nous devons mourir. Puis on disait un Ave Maria. Dès que l’Angelus sonnait, mon frère se découvrait et se mettait en devoir de le réciter; si nous n’y faisions pas attention, il nous disait: Allons, c’est l’angelus; disons vite l’angelus. » (Marguerite Vianney, Procès Informatif)

Le soir, toute la famille priait ensemble. C’était ensuite un moment d’intimité où sa mère ou sa grande sœur Catherine lui parlaient de l’enfant Jésus, de la Sainte Vierge, de son bon ange. Il fut ainsi très tôt introduit aux vérités de la foi, de manière très simple.

« A la belle saison, Matthieu Vianney partait aux champs de très bon matin. Dans la journée, sa femme le rejoignait avec tout son petit monde. Catherine et François l’aîné, une badine à la main, la précédaient de quelques pas, chassant devant eux les vaches et les brebis de la ferme. Un âne suivait qui portait Jean-Marie et Marguerite, surnommée Gothon. Une fois au pré, les enfants s’ébattaient dans l’herbe ou veillaient sur le troupeau à la pâture. Jean-Marie, gai et boute-en-train, mettait de l’animation dans les jeux. » (F. Trochu)

Jean-Marie, à quatre ans, possédait un joli chapelet auquel il tenait beaucoup. Un jour, Gothon exigea qu’il le lui donne, avec cris et trépignements. Marie Vianney demanda à son fils de donner son chapelet « pour l’amour du Bon Dieu ». Jean Marie obéit en sanglotant. Pour sécher ses pleurs, sa mère lui fit alors cadeau d’une petite statue en bois de la Sainte Vierge, qui se trouvait sur le manteau de la cheminée. Soixante dix ans plus tard, il dira : « Oh ! Que je l’aimais cette statue. Je ne pouvais m’en séparer, ni le jour, ni la nuit… La sainte Vierge, c’est ma plus vieille affection : je l’ai aimée avant même de la connaître. »

LA PRIERE DANS LA BERGERIE

« Il avait à peu près trois ans lorsqu’un soir, il disparut, sans qu’on pût savoir ce qu’il était devenu. Comme il y avait une pièce d’eau à coté de la maison, ma mère craignit un malheur et fit même rechercher si l’enfant ne se serait pas noyé. Lorsqu’elle alla à l’étable, elle entendit le chuchotement de quelqu’un qui prie. C’était Jean Marie qui, caché entre deux vaches et à genoux, faisait dévotement sa prière. Ma mère le gronda et lui dit: Comment? Tu vas te cacher pour prier? Tu sais bien que nous faisons nos prières ensemble. Pourquoi te cacher et me donner une si grande inquiétude? – Jean Marie, tout confus de la peine qu’il lui avait causée, se jeta dans ses bras et l’embrassa avec affection en lui disant : Mère, pardonnez-moi, je n’ai pas voulu vous faire de la peine; je n’y retournerai plus. Je me rappelle que plusieurs fois ma mère a fait allusion à ce trait et lui a dit en notre présence : tu m’as causé beaucoup d’inquiétude quand tu t’es caché. C’est de ma mère que je tiens tout cela. »(Déposition de Marguerite Vianney, Procès Informatif)

LA MAISON DU PAUVRE

Cette maison était très hospitalière. Les voyageurs et les pauvres y étaient régulièrement accueillis dans la vaste cuisine, devant la cheminée. A la longue table ils partageaient le repas des Vianney et, le soir, ils montaient dormir au-dessus de l’étable, dans le foin de la grange. Les femmes, elles, étaient accueillies dans la ferme voisine, de la famille Vincent.

BERGER

A sept ans (mai 1793), Jean Marie était assez grand pour se rendre utile en gardant les bêtes. Deux fois par jour, il sortait l’âne, les vaches et les brebis et les emmenait au vallon de Chantemerle, accompagné de sa petite sœur, Gothon. Toute sa vie il en conservera un cher souvenir : « J’étais bien heureux lorsque je menais paître mes brebis et mon âne. J’avais le temps de prier le Bon Dieu et de penser à mon âme« . Il y avait, du côté du ruisseau, un saule miné de vers. Jean Marie plaçait sa statuette de Marie dans un trou du vieil arbre, l’entourait de mousse, de branchages et de fleur, puis à genoux il égrenait son chapelet. Les bords du ruisseau de Chantemerle avaient remplacé l’église désaffectée où personne ne priait plus.

Il y avait d’autres petits bergers et Jean Marie se mêlait à leurs jeux ; mais déjà il avait le souci de les former au niveau de la foi, que les adultes n’enseignaient plus guère. Et il concluait avec gravité « Allons, mes enfants, soyez bien sages, aimez bien le Bon Dieu« . Sous les ombrages de Chantemerle, naissait sa vocation de berger des âmes.